Annexe deux : Au-delà de l’utilisation équitable – Autres bonnes nouvelles concernant le droit d’auteur pour les REL

Dans le Code lui-même et dans l’Annexe une, nous avons abordé en profondeur comment comprendre et appliquer l’utilisation équitable et comment comprendre les limites de la loi sur le droit d’auteur. Cependant, l’utilisation équitable n’est pas le seul aspect de la loi canadienne sur le droit d’auteur, et plus largement du droit de la propriété intellectuelle (PI), qui peut s’appliquer pour permettre la création licite de ressources éducatives ouvertes. Sans chercher à être exhaustif, nous proposons ci-dessous de l’information supplémentaire sur les pratiques à faible risque qui peuvent contribuer à alléger le fardeau de la conformité légale. Nous avons inclus des exemples de doctrine en matière de droit d’auteur autres que l’utilisation équitable qui peuvent s’appliquer aux insertions potentielles dans les REL, ainsi que d’autres domaines du droit de la propriété intellectuelle qui peuvent être pertinents pour la communauté des REL.

Notre objectif ici est d’aborder divers domaines de préoccupation potentiels, en indiquant les situations dans lesquelles l’utilisation d’une insertion peut même ne pas nécessiter une évaluation de l’utilisation équitable. Il s’agit notamment des situations dans lesquelles le droit d’auteur peut sembler s’appliquer à une œuvre source, mais ne s’applique pas en réalité, par exemple lorsque l’œuvre relève du domaine public.

Le domaine public : matériels et contenus non protégés par le droit d’auteur

Dans la planification d’un projet REL, les autrices et auteurs peuvent identifier des contenus apparemment soumis au droit d’auteur (images, textes, compositions) qu’il serait souhaitable d’incorporer sous forme d’insertions, en tout ou en partie. Il est possible que certaines de ces œuvres soient utilisables parce qu’elles ne sont pas protégées par le droit d’auteur, pour une ou plusieurs raisons.

Une œuvre tombe dans le domaine public au Canada lorsque la protection du droit d’auteur a expiré. Lorsque vous recherchez du matériel sur Internet, il est important de noter qu’une grande partie du matériel n’est pas dans le domaine public, bien qu’il soit accessible au public. De plus, la protection du droit d’auteur est attribuée automatiquement lors de la création d’une œuvre originale; par conséquent, l’absence d’une déclaration ou d’un symbole de droit d’auteur ne constitue pas une preuve qu’une œuvre appartient au domaine public.

Les œuvres du domaine public peuvent être utilisées librement sans avoir à demander une autorisation, à payer des redevances ou à compter sur des exceptions de la Loi sur le droit dauteur. Au Canada, les œuvres entrent dans le domaine public de plusieurs manières :

  • La règle générale est que le droit d’auteur sur une œuvre dure pendant toute la vie du dernier auteur survivant ou de la dernière autrice survivante, plus 70 ans supplémentaires si cette dernière personne est décédée en 1972 ou après. Si cette personne est décédée avant 1972, la durée du droit d’auteur était de 50 ans après l’année du décès de la personne.

Il existe des exceptions à cette règle pour certaines catégories d’œuvres, telles que :

  • Certaines œuvres publiées à titre posthume, qui sont soumises à des règles basées sur la date du décès de l’auteur ainsi que sur la date de publication ultérieure (le cas échéant). Les œuvres publiées à titre posthume avant 1999 expirent après 50 ans après la publication ou 70 ans après le décès de l’autrice ou de l’auteur, en retenant la période la plus longue. Pour les œuvres des personnes décédées entre 1949 et 1999, qui n’ont pas été publiées avant 1999, elles sont protégées selon la période la plus longue entre : jusqu’en 2049 ou jusqu’à 70 ans après la mort du créateur ou de la créatrice.
  • Les œuvres produites par les agences gouvernementales fédérales au Canada sont généralement assujetties au droit d’auteur de la Couronne, qui expire 50 ans après leur publication. Le droit d’auteur de la Couronne est perpétuel sur les œuvres gouvernementales qui ne sont jamais publiées. La plupart des œuvres soumises au droit d’auteur de la Couronne peuvent être utilisées à des fins non commerciales. Il est toutefois important de vérifier la source pour connaître les conditions d’utilisation. Les lois, statuts, règlements, décisions des cours et des tribunaux du gouvernement du Canada ne sont pas protégés.
  • Les enregistrements sonores et les œuvres cinématographiques non dramatiques restent protégés par le droit d’auteur pendant 70 ans à compter de la date à laquelle ils ont été réalisés, à moins qu’ils ne soient publiés avant l’expiration du droit d’auteur, auquel cas ils restent protégés soit pendant 75 ans après la publication, soit pendant 100 ans à compter de la date d’expiration du droit d’auteur, en retenant la période la plus courte.

En mettant de côté les exceptions ci-dessus, il est par ailleurs raisonnable de supposer qu’une œuvre relève du domaine public au Canada si l’ensemble des autrices et auteurs sont décédés depuis au moins 70 ans.

Une fois qu’il est déterminé qu’une œuvre particulière appartient au domaine public, chacun peut librement l’utiliser et l’adapter, en ce qui concerne la loi canadienne sur le droit d’auteur. Mais des difficultés surviennent parfois lorsque les documents du domaine public sont soumis à des restrictions en fonction de l’endroit où ils sont hébergés ou hébergés. Par exemple :

  • Lorsque la copie source d’une œuvre du domaine public réside dans une bibliothèque, des archives ou un musée, cette institution peut dicter les conditions d’utilisation et restreindre ce qui peut être fait avec l’œuvre, comme condition d’accès. Ces conditions n’ont souvent rien à voir avec le droit d’auteur, mais peuvent malheureusement limiter les possibilités d’utilisation des œuvres en question. Il est important de noter que des conditions d’utilisation restrictives sont spécifiques à l’institution, et qu’une copie de la même œuvre du domaine public, si elle peut être obtenue ailleurs, peut être utilisée sans avoir à négocier avec le propriétaire de l’original.
  • Certaines institutions peuvent également faire valoir le droit d’auteur sur leurs propres photographies ou sur les reproductions numériques d’œuvres de leurs collections. Cependant, ces affirmations n’ont que peu ou pas de fondement dans le cas de reproductions textuelles d’objets plats (textes, photographies, peintures, etc.). En revanche, les photos d’objets tridimensionnels (comme les sculptures) sont plus susceptibles de bénéficier d’un certain niveau de protection par le droit d’auteur. En plus de l’utilisation équitable, il peut y avoir d’autres exceptions disponibles lors de l’utilisation de ces œuvres.
  • Bien que ce document se concentre sur les considérations pour la création de REL en contexte canadien, la création de REL qui prévoit une adoption et une adaptation à l’échelle mondiale devra probablement inciter à réfléchir au moment où les matériaux entreront dans le domaine public dans d’autres juridictions.

Une autre catégorie d’œuvres du domaine public qui peuvent être utilisées librement et dans leur intégralité, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une enquête plus détaillée, sont les œuvres entièrement constituées de données ou d’autres informations factuelles disposées de manière commune ou bien établie, par exemple, une liste chronologique des monarques régnants, un tableau de statistiques pluviométriques ou un diagramme circulaire des dépenses gouvernementales. En effet, les faits et les données, lorsqu’ils sont présentés et organisés de manière simple et peu originale, ne sont pas soumis à la protection du droit d’auteur. En d’autres termes, un simple ensemble de données (ou une représentation de données) est susceptible de tomber dans le domaine public, qu’il s’agisse d’un contenu nouvellement créé ou de données historiques.

Bien qu’il existe des cas où les connaissances autochtones peuvent appartenir au domaine public conformément aux lois canadiennes sur le droit d’auteur, les créateurs et créatrices devraient s’efforcer de référer aux conseils des communautés de pratique et aux protocoles de partage des connaissances appropriés. Pour en savoir plus sur l’utilisation respectueuse des savoirs autochtones, veuillez consulter l’Annexe trois : savoir autochtone et considérations à l’incorporation dans les REL.

Contraintes intégrées sur la portée du droit d’auteur

La doctrine du droit d’auteur précise également que même lorsqu’une œuvre est protégée par le droit d’auteur, tout ce qu’elle contient ne peut pas être protégé. En fait, les sources protégées par le droit d’auteur incluent plus de matériel disponible qu’on pourrait l’imaginer à première vue, et un bon point de départ pour évaluer la disponibilité d’un contenu spécifique est de se demander si les éléments à utiliser sont réellement soumis à la protection du droit d’auteur.

Un principe de base de la loi sur le droit d’auteur au Canada ainsi que dans de nombreux autres pays est que même si le droit d’auteur peut exister sur une œuvre, les idées sous-jacentes à une œuvre ne sont pas protégées par le droit d’auteur. C’est ce qu’on appelle la distinction idée/expression : la proposition selon laquelle les découvertes et les idées sous-jacentes ou les thèmes généraux et les concepts abstraits sont tout simplement trop fondamentalement importants pour être isolés, même si les choix spécifiques sur la manière de présenter ces idées en utilisant des mots, des sons, des termes ou les éléments visuels peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Par exemple, une REL peut s’inspirer de l’étude d’un auteur de manuel commercial sur l’histoire du Canada dans une perspective féministe pour créer un ensemble de ressources d’apprentissage ouvertes employant un thème similaire. Dans ce cas, la nouvelle œuvre ne violerait pas le droit d’auteur sur le manuel commercial. Cependant, d’autres applications de la distinction idée/expression sont plus compliquées. Supposons, par exemple, qu’une REL ait pour objectif de familiariser une communauté étudiante en soins infirmiers avec les nouvelles technologies médicales et cite assez longuement le mode d’emploi du fabricant d’un appareil d’imagerie particulier, un ouvrage qui est évidemment riche en éléments factuels non protégés, mais qui peut également contenir du contenu potentiellement protégé par le droit d’auteur qui exprime ou transmet une information pratique particulière. Dans ce cas, on peut faire valoir que lorsqu’il n’existe qu’un nombre limité de manières utiles par lesquelles il est raisonnable d’exprimer une idée donnée, aucune d’entre elles ne devrait être soumise à la protection du droit d’auteur.

L’implication la plus importante de la distinction idée/expression pour la création de REL peut être énoncée comme suit : lorsque l’on s’appuie sur un matériel source qui bénéficie uniquement d’un droit d’auteur ténu parce qu’il contient de grandes proportions de contenu non protégé (qu’il s’agisse d’un diagramme scientifique ou du récit factuel d’une bataille célèbre), il est généralement facile de contourner les éléments protégés en les remplaçant par son propre contenu créatif original. Il convient toutefois de rappeler que les éléments protégés peuvent inclure la manière dont l’information ou le contenu non protégés ont été sélectionnés et disposés dans l’œuvre originale.

La création de REL peut également considérer l’utilisation de quelques lignes d’une œuvre comme une « utilisation non substantielle » qui ne déclencherait aucune protection du droit d’auteur ni ne nécessiterait l’autorisation du ou de la titulaire du droit d’auteur37. Bien que cela ne soit pas défini dans la Loi, le concept de caractère non substantiel a été abordé dans la jurisprudence et pris en compte par la Commission du droit d’auteur du Canada dans ses décisions tarifaires. Par ailleurs, la Cour suprême a déclaré que le « concept de « partie importante » de l’œuvre est souple. Il s’agit d’une question de fait et de degré […] En règle générale, une partie importante d’une œuvre est une partie qui représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur exprimés dans l’œuvre38. » Comme pour toute utilisation de matériel tiers, il est important de reconnaître correctement la source de l’insertion.

Autres exceptions de la Loi sur le droit d’auteur

La Loi sur le droit dauteur du Canada contient des exceptions autres que l’utilisation équitable qui peuvent être utiles lors de la création de REL lorsque les gens souhaitant utiliser du contenu tiers. Ajoutée à la loi en 2012, la disposition relative au contenu non commercial généré par l’utilisateur, également connue sous le nom d’exception « mash-up » ou « YouTube », stipule que « ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, d’utiliser une œuvre publiée dans la création d’une nouvelle œuvre si l’utilisation/la diffusion de la nouvelle œuvre se fait uniquement à des fins non commerciales ». L’attribution de la source est requise si cela est raisonnable, et la nouvelle œuvre ne doit pas avoir d’effet négatif substantiel, financier ou autre, sur l’exploitation de l’œuvre existante (y compris en la remplaçant). Cela peut être compris comme une nouvelle défense d’utilisation transformatrice, bien que limitée, au Canada. L’application et les limites de cette exception doivent encore être testées, mais il est intéressant de noter qu’une REL non commerciale pourrait correspondre à la description d’une « nouvelle œuvre ».

Des exceptions supplémentaires pour les établissements d’enseignement ont également été ajoutées en 2012. Il s’agit par exemple d’une exception explicite pour les œuvres disponibles sur Internet, selon laquelle il ne s’agit pas d’une violation du droit d’auteur pour un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous son autorité », pour reproduire une œuvre « disponible sur Internet » à des « fins éducatives ou de formation39. » Cela pourrait rassurer davantage les membres de la communauté des REL agissant pour le compte d’un « établissement d’enseignement40 » qui copient ou communiquent des documents trouvés légalement en ligne en l’absence de tout avis ou verrou numérique leur interdisant de le faire. Les conditions, telles que l’attribution, devraient être revues lors de l’examen de ces exceptions.

Autres domaines de la propriété intellectuelle

Droit des marques de commerce

La marque protège les propriétaires de marques contre un certain nombre de fausses déclarations commerciales susceptibles de semer la confusion sur le marché ou de déprécier la valeur de la clientèle de la marque. Par exemple, cela empêche les sociétés de café autres que Starbucks d’utiliser dans le cours des échanges commerciaux un logo de sirène rond, vert et semblable au leur, qui prête à confusion, et cela peut conduire à des litiges concernant des marquages de type « swoosh » sur des chaussures autres que Nike. Ainsi, ce pourrait être une erreur d’utiliser une variante du nom d’un éditeur commercial de manuels pour étiqueter une REL, même si cela est fait avec ironie. D’un autre côté, la plupart des utilisations imaginables des marques dans les REL ne peuvent pas susciter de préoccupations de ce type, car il ne s’agit pas d’une « utilisation dans le cadre d’opérations commerciales » conçue pour vendre, promouvoir ou engager des clients.

Ainsi, la création de REL devrait se sentir en confiance lorsque :

  • elle comprend des images contenant des noms de marques et des logos, si la loi sur le droit d’auteur l’autorise autrement;
  • elle utilise des marques dans le contexte de la fourniture d’exemples réalistes ou de questions-guides; ou
  • elle examine directement le marketing ou l’image de marque.

La création de REL devrait éviter, lorsque cela est possible :

  • d’utiliser des marques de commerce d’une manière qui pourrait suggérer un parrainage ou une image de marque sur la couverture d’une ressource, ou dans sa dénomination ou sa commercialisation;
  • de choisir des marques de commerce liées à une seule marque, lors de la création de nouveaux exemples et hypothèses; et
  • d’utiliser des marques visuelles à des fins strictement décoratives et sans rapport avec les finalités pédagogiques des REL (ce qui peut également porter atteinte au droit d’auteur).

Droit des brevets

Tout comme le droit des marques ne s’applique qu’à un éventail restreint de pratiques commerciales, il en va de même pour le droit des brevets. À moins que l’œuvre ne « mette en pratique » une invention brevetée ou n’encourage directement d’autres personnes à le faire, ce type d’utilisation ne s’opère pas dans le domaine contrôlé par le droit des brevets. Le droit des brevets contrôle le droit de fabriquer, de vendre ou d’utiliser une invention, et non de la représenter, de la décrire ou de l’enseigner. Le seul risque théorique serait celui de la responsabilité si l’œuvre encourageait d’autres personnes à enfreindre un brevet préexistant connu, un cas hautement improbable dans le cas du matériel pédagogique. En outre, des recours ne seraient disponibles que si le ou la titulaire du brevet subissait en conséquence un préjudice financier important, ce qui rendrait encore plus difficile d’imaginer comment le matériel pédagogique pourrait donner lieu à une action en justice en matière de brevet.

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Footnotes

 

37 Access Copyright – Tarif pour les écoles élémentaires et secondaires, 2010-2015. (2016), en ligne : Commission du droit d’auteur du Canada (cb-cda.gc.ca). https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/r/fr/item/366763/index.do/.
38 Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73 au para 26, [2013] 3 RSC 1168.
39 Loi sur le droit d’auteur, RCS 1985 c C-42 art 30.04. L’exception s’étend également à la communication et à la représentation publique lorsque ce public « est principalement constitué d’étudiants de l’établissement d’enseignement ». L’attribution de la source est requise et l’exception ne s’applique pas si l’on sait que l’œuvre était disponible en ligne sans le consentement du titulaire du droit d’auteur.
40 Ibid at s.2.

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