Chapter 2

Au-delà du facteur culturel dans l’évaluation de la santé

En tant que professionnels de la santé, les infirmières et infirmiers ont du pouvoir. Vous l’avez, vous aussi!

Toutefois, si l’on s’en sert mal, ce pouvoir professionnel peut faire que les clients se sentent marginalisés ou rejetés. Ces dernières années, sous l’effet des perspectives théoriques à développement progressiste, la pratique infirmière s’est orientée vers les considérations humanistes à l’égard des clients et des communautés marginalisées. De nouveaux concepts sont venus éclairer le jugement clinique, tout en contribuant à faire respecter les valeurs/croyances culturelles des clients et à favoriser l’établissement d’une relation thérapeutique. Plus précisément, ces concepts — la sensibilité culturelle, la compétence culturelle, l’humilité culturelle et la sécurité culturelle — ont fait prendre conscience de la façon dont les préjugés personnels peuvent influencer les évaluations de la santé, ainsi que d’autres interventions infirmières, et amené le personnel infirmier à se débarrasser au mieux de ses propres préjugés. 

Le concept de culture, défini comme étant les croyances, pratiques et valeurs d’un groupe racial/ethnique, peut revêtir également d’autres dimensions telles que le sexe, l’orientationsexuelle, la capacité ou le handicap, l’âge, la classe sociale et la langue (Greene-Moton & Minkler, 2020; Hughes et al., 2019).

Méditez donc sur la culture de chaque client :

  • Quelle est sa constitution en termes de croyances, de valeurs et d’identité culturelles?
  • Que devriez-vous faire une fois conscient de la culture d’un client et des différences?
  • Plus important encore, en quoi cette appréhension du facteur culturel peut-elle vous aider à faire une évaluation inclusive de la santé?

Ces questions sont abordées dans les paragraphes qui suivent, à commencer par un examen de la manière dont les quatre principales composantes de la culture se rattachent à l’évaluation de la santé.

Sensibilité culturelle

  • En soins infirmiers, la sensibilité culturelle réside en soi-même en étant la conscience et la compréhension qu’a le personnel infirmier de la culture d’un client ainsi que son attitude à l’égard de cette culture (Srivastava, 2007).
  • En d’autres termes, la sensibilité culturelle repose en grande partie sur la capacité du personnel infirmier à faire preuve de compassion, de prévenance et de compréhension envers les clients, même de différentes cultures, y compris de communication efficace.

Compétence culturelle

  • Dans le passé, la compétence culturelle s’est trouvée réduite sur le terrain à une liste des connaissances culturelles que devaient posséder les professionnels de la santé pour justifier de leurs compétences auprès de divers groupes raciaux et ethniques (Curtis et al., 2019; Greene-Moton & Minkler, 2020).
  • Partant, il est entendu que le personnel infirmier culturellement compétent est en mesure de dispenser des soins efficaces à des clients issus de milieux culturels différents (Sharifi et al., 2019).
  • Cependant, si vous ne connaissez pas les croyances et les pratiques culturelles d’un groupe ethnique, est-ce à dire que vous êtes culturellement « incompétent »? L’ambiguïté dont souffre le concept de compétence culturelle a conduit à l’urgence de mettre en place, à l’usage du personnel infirmier, d’autres cadres efficaces, notamment l’humilité culturelle et la sécurité culturelle.

Humilité culturelle

  • L’humilité culturelle, un processus de réflexion et d’autocritique à vie, s’instaure dès lors qu’on aborde les inégalités de pouvoir au sein des systèmes dans le souci de forger des partenariats et des relations mutuellement bénéfiques (Tervalon & Murray-Garcia, 1998).
  • Les professionnels de la santé devraient mener une réflexion critique, sans cesse renouvelée, sur le pouvoir et le privilège, et, d’autre part, trouver des moyens d’interagir avec des clients de race, de sexe, de genre, d’âge et de capacité divers, sans perpétuer pour autant l’oppression.

Sécurité culturelle

  • La sécurité culturelle veut que le personnel infirmier prenne acte des disparités de pouvoir et des structures sociales plus larges qui portent atteinte à l’équité en matière santé (Curtis et al., 2019).
  • Autrement dit, le personnel infirmier doit contester les inégalités de pouvoir inhérent à la prise en charge des clients, étant conscient des effets de l’oppression sur la santé (Parisa et al., 2016), sachant également qu’une pratique culturellement sûre est essentielle pour remédier aux disparités et aux inégalités sociales et en santé, afin d’assurer une prise en charge équitable centrée sur le client.

Intégration des concepts

Le personnel infirmier peut, en s’appuyant sur ces quatre composantes de la culture, comprendre ce que constituent les différences culturelles et adopter face aux clients issus de milieux culturels différents des modes d’interaction respectueux. Ce travail peut servir de point de départ à un examen plus large des facteurs historiques, sociaux, économiques et politiques qui façonnent également les inégalités en matière de santé (Smye & Browne, 2002).

Or, malgré les nombreux travaux théoriques qui traitent de la culture et des pratiques sûres, nombreux sont les professionnels de la santé qui continuent de faire fi des différences. Se pose donc la question suivante : au-delà de la saisie du facteur culturel, que faut-il de plus pour que le personnel infirmier défende tous les éléments de la justice sociale dans la prestation des soins infirmiers en général et les évaluations de la santé en particulier?

La section qui suit explique comment vous pouvez appliquer une optique anti-oppressive pour vous assurer que les évaluations de la santé sont porteuses d’inclusion. Cette approche suppose la contestation et le démantèlement des pratiques oppressives acceptées comme étant le statu quo dans les évaluations de la santé et, plus largement, dans le système de soins de santé, notamment en ce qui concerne la prise en charge des groupes marginalisés.

Activité: Vérifier sa compréhension

Références

Curtis, E., Jones, R., Tipene-Leach, D., Walker, C., Loring, B., Paine, S.-J., & Reid, P. (2019). Why cultural safety rather than cultural competency is required to achieve health equity: A literature review and recommended definition. International Journal for Equity in Health, 18(1), 174–174. https://doi.org/10.1186/s12939-019-1082-3

Foronda, C. L. (2008). A concept analysis of cultural sensitivity. Journal of Transcultural Nursing19(3), 207-212. http://doi.org/10.1177/1043659608317093

Greene-Moton, E., & Minkler, M. (2020). Cultural competence or cultural humility? Moving beyond the debate. Health Promotion Practice, 21(1), 142–145. https://doi.org/10.1177/1524839919884912

Hughes, V., Delva, S., Nkimbeng, M., Spaulding, E., Turkson-Ocran, R.-A., Cudjoe, J., Ford, A., Rushton, C., D’Aoust, R., & Han, H.-R. (2020). Not missing the opportunity: Strategies to promote cultural humility among future nursing faculty. Journal of Professional Nursing, 36(1), 28–33. https://doi.org/10.1016/j.profnurs.2019.06.005

Parisa, B., Reza, N., Afsaneh, R., & Sarieh, P. (2016). Cultural safety: An evolutionary concept analysis. Holistic Nursing Practice, 30(1), 33–38. https://doi.org/10.1097/HNP.0000000000000125

Sharifi, N., Adib-Hajbaghery, M., & Najafi, M. (2019). Cultural competence in nursing: A concept analysis. International Journal of Nursing Studies99https://doi.org/10.1016/j.ijnurstu.2019.103386

Smye, V., & Browne, A. J. (2002). “Cultural safety” and the analysis of health policy affecting aboriginal people. Nurse Researcher9(3), 42–56. https://doi.org/10.7748/nr2002.04.9.3.42.c6188

Srivastava, R. (2007). The healthcare professional’s guide to clinical cultural competence. Mosby Elsevier.

Tervalon, M., & Murray-García, J. (1998). Cultural humility versus cultural competence: A critical distinction in defining physician training outcomes in multicultural education. Journal of Health Care for the Poor and Underserved, 9(2), 117–125. https://doi.org/10.1353/hpu.2010.0233

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